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Pas de vérité dans l'art. L'artiste nécessairement menteur. L'homme nécessairement artiste


art et vérité

Ingres, sacré menteur ...... Ingres, peintre animalier ...... L'art ne présente aucune vérité ...... Mamelons cosmiques ...... Zéro vérité, ou une seule ? ...... L'étant des chaussures de Van Gogh ...... L'art plus haut que la vérité

odalisque-Ingres

Ingres, sacré menteur

060608 L'exemple bien connu de la Grande odalisque montre clairement que l'artiste ment sciemment pour faire plus beau (ou plus laid, ou plus convaincant, et ainsi de suite). L'art n'est pas une présentation de la vérité, ni avec un grand V, ni d'aucune vérité perspectiviste.

Plus précisément, sur la tricherie d'Ingres, qui affirme avec aplomb que "le dessin est la probité de l'art", la situation est claire nette et précise : ceci est un mensonge hideux ; il ment sciemment ; il défend hypocritement et malhonnêtement sa doctrine néoclassique (voir Connaissance des arts février 2006).

Venus-Paphos

Ingres, peintre animalier

110107 La Vénus à Paphos, d'Ingres, est carrément moche, un raté. Degas en disait qu'Ingres peignait de beaux animaux, là c'était un veau ! Plutôt rigolo ce Degas.

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Grand-dragon

L'art ne présente aucune vérité

020607 Luc Ferry (Le sens du beau) dit que pour Nietzsche, l'art serait une présentation sensible de la vérité. Même genre de chanson que Heidegger (voir ci-dessous L'étant des chaussures de Van Gogh). Mais dans le cas de Nietzsche, il s'agirait d'une vérité multiple, perspectiviste. Tout ça est discutable. Le dragon Fafnir d'Hubert Le Menestrel ne présente aucune vérité. C'est une accumulation d'horrible et de sensuel, d'harmonieux et de laid, d'humain et de monstrueux, de dérision. Alors vous allez me dire : c'est une présentation de certaines pulsions intérieures à l'artiste ? Peut-être ; mais ces pulsions sont vagues, indéfinies, irrationnelles, elles ne peuvent pas être appelées "vérités". Dans ce mélange, tout ce qui pourrait être appelé vérité a été sciemment détruit par ce qui est à côté. Bon, alors un petit malin pourrait dire que c'est une négation de la vérité, que le dragon représente l'ambiguïté, que c'est une allégorie de l'ambiguïté. Mais une allégorie, c'est un rapprochement (plus ou moins arbitraire), ce n'est pas une présentation nette de la vérité.

D'ailleurs, ce dragon représente -t-il quoi que ce soit ? Non. C'est une création, une expulsion d'énergie de l'artiste. Tout au plus pourrait-il être inconsciemment une présentation (sans re), d'un état intérieur de l'artiste au moment où il l'a fait, et cet état intérieur personnel et fugitif n'a aucun intérêt en soi. Chez le regardeur, le dragon peut évoquer sa belle-mère (le pauvre), ou bien "l'Ambiguïté", mais il s'agit alors d'un rapprochement, non pas d'une présentation de vérité.

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La-vague-Courbet

Mamelons cosmiques

031006 Ingres : "le dessin est la probité de l'art". Il prend son pinceau et rallonge sciemment le dos de son odalisque. Cézanne : "Je vous dois la vérité en peinture". Et il déforme sciemment la perspective de son panier de pommes. Et Le Menestrel fait un discours sur le caractère cosmique des mamelons de son modèle, avec un raisonnement créé de toutes pièces sans aucun souci de vérité, uniquement pour pouvoir employer cette expression artistiquement intéressante de "mamelons cosmiques".

Zéro vérité, ou une seule ?

140411 Pardon, Monsieur l'athée, qu'est-ce que vous pensez de la "vérité" de la peinture religieuse ? Excusez-moi, Monsieur le marxiste, est-ce que la peinture d'histoire, c'est la "vérité", ou alors de la propagande ? Et vous, Monsieur l'artiste subversif et engagé, vous me dites que vous avez peint la "Vérité". Mais cher Monsieur, c'est votre vérité, et vous avez un QI de combien ?

L'art (dionysiaque) n'exprime finalement qu'une seule vérité : celle qu'il n'y a pas de vérité absolue.

L'étant des chaussures de Van Gogh

181211 Le raisonnement de Heidegger sur Les chaussures de Van Gogh, qui le conduit à écrire que l'art est une mise en œuvre de la vérité, est faux. En gros, il dit qu'en regardant le tableau, on y voit le dur labeur des champs, le froid du sillon hivernal, et toute une chanson lyrique. Et le monde évoqué serait dans l'Etre des chaussures. L'art nous montre la vérité de l'Etre.

Souliers-Van-Gogh

On admet d'abord qu'il y a une différence entre ce qu'il appelle "l'étant" des chaussures (le cuir cousu) et leur "Etre" profond (sinon ça ne sert à rien de lire Heidegger…). On admet encore que sa chanson lyrique, l'historique des chaussures, l'évocation du monde dans lequel elles vivent, décrivent bien les chaussures plus "profondément" que la configuration géométrique des plis ou la longueur des lacets. Mettons. Mais ce qui est faux, c'est justement qu'il s'agit d'une évocation. Et à côté d'Heidegger, s'il a un ami qui regarde le tableau, il ne va pas lui évoquer la même chose : chacun sa chanson lyrique. Alors où serait la soi-disant "vérité de l'être" ? Pire : les chaussures ne sont justement pas celle d'une paysanne, comme le pense Heidegger, mais celle du facteur ! Manque de bol, mon cher Rudolf ! (Est-ce que Heidegger s'appelait bien Rudolf ?) On peut voir dans les chaussures l'inlassable battement sur le pavé tout urbain, les arrêts devant les boites aux lettres, les coups de gnôle pris tous les jours chez le père Gustav !

L'art est la mise en œuvre d'une vérité possible imaginée par le regardeur : une fiction.

PS : les chaussures étaient-elles vraiment celles du facteur ? En tous cas elles eussent pu (et puent).

141011 NB : Heidegger est un philosophe particulièrement difficile et abstrait. Pour preuve, la dernière phrase du passage en question : "Un étant, une paire de souliers de paysan, vient dans l'œuvre à l'instance dans le clair de son être. L'être de l'étant vient à la constance de son rayonnement." On s'accroche pour comprendre ce qu'il veut dire exactement, et cette difficulté nous voile - la preuve en est ici - les erreurs ou incertitudes majeures du fond de la question. Les philosophes compliqués, aux chiottes.

L'art plus haut que la vérité

080112 Nietzsche : "Nous avons besoin du mensonge pour triompher de cette réalité" [celle d'un monde faux, cruel, contradictoire…]. Pour résoudre ce problème, "il faut que l'homme soit déjà menteur par nature, il faut qu'il soit avant tout un artiste. Et il l'est en effet… "

Après quoi Nietzsche démontre que La naissance de la tragédie "enseigne ce qui est plus fort que le pessimisme et plus "divin" que la réalité : l'art. […] L'art a plus de valeur que la vérité." Mazette. Merci, Friedrich.