image-Menu Retour aux oeuvres Retour aux textes L'artiste Retour à l'accueil

Retour Table

une fable sur la pitié, quelques idées darwiniennes, et l'inventeur de la religion


Darwin et quelques autres

Jésus, Dionysos et le scarabée sur le dos...... Eugénisme : le surhomme volant...... Sélection du plus apte (à procréer)...... Une pieuvre spécialiste de Spinoza...... Les aventures de Ogh-Ogh, créateur de la religion

Jésus, Dionysos et le scarabée sur le dos

150409 Au Paradis, un scarabée mal inspiré tombe d'un trottoir, sur le dos. Et il s'ébat, le malheureux, toutes pattes en l'air, mais sans action aucune qui tendrait à le remettre dans le bon sens. L'événement est de taille, car au Paradis, personne n'est malheureux, pas même les scarabées. On s'approche autour de la bête, et Jésus prend la parole :

"- En vérité, Je vous le dis, le bon Samaritain porte secours au malheureux, quand bien même serait-il étranger. Que l'on remette cette bête du Bon Dieu sur ses pattes."

Mais Dionysos intervient, toujours légèrement agressif :

"- Tu nous casse les bonbons, Jésus, avec ta morale à la noix. Il ne s'agit pas de venir en aide au malheureux. Il s'agit de dire oui à la vie, de respecter la vie et la nature. C'est ma morale à moi. Je vais retourner le scarabée, c'est un réflexe de solidarité entre espèces.

- N'as-tu pas pitié de lui ?" demande Jésus.

scarabee

Nietzsche, qui jusque-là s'était posté derrière Dionysos, répond pour lui :

"- Pitié ? Qu'est-ce que ça veut dire ? En fait, nous nous sentons énormément supérieurs au scarabée, nous avons des pouvoirs immenses par rapport à lui. Nous pouvons l'écraser et abréger sa souffrance d'un geste, qui ne nous coûtera pratiquement rien."

Darwin intervient :

"- Messieurs, en tant qu'entomologue, je me permets d'intervenir : cet animal, qui est un intéressant spécimen de géotrupe typhoeus typhoeus, remue les pattes par simple réflexe. Il ne souffre pas !

- Friedrich a tort quand même," dit Dionysos. "Il n'y a pas grand-chose dans la tête du scarabée, mais un petit quelque chose respectable quand même : la vie !

- Aber… écoutez, dit Nietzsche, en fait, ce scarabée est un connard (en Français dans le texte). Il n'avait qu'à voir que la marche était beaucoup trop haute pour lui. Il n'a que ce qu'il mérite. Il n'y a pas de raison de l'aider. Ainsi parlait Zarathoustra !

- Yes, continue Darwin : dans la famille des géotrupes, celui-ci semble particulièrement silly. D'autres individus pourraient savoir tomber de la marche dans le bon sens, ou savoir que la marche est trop haute et faire demi-tour. My Dear Professor Nietzsche, si vous écrasez ce scarabée, vous allez participer à l'amélioration de l'espèce scarabée."

Mais José Bové, farouche défenseur des agriculteurs, intervient (on voit ici que cette histoire est franchement bidon : que pouvait faire José Bové au paradis à cette époque ?) :

"- Comment ? Mais nous les hommes on a aucun intérêt à l'amélioration de l'espèce scarabée ! Si elle s'améliore trop, les scarabées vont bouffer toutes nos cultures. Il va y avoir des scarabées géants, même, qui pourraient purement et simplement nous bouffer nous-mêmes.

- Alors, dit Darwin, c'est Jésus qui a raison. Il faut le remettre sur ses pattes. Mais ça ne suffit pas : il faut aussi lui enjoindre de faire un maximum de larves aussi bêtes que lui."

Puis, après un temps de réflexion, il poursuit :

"- Le problème, c'est que ce raisonnement, appliqué à un seul scarabée, n'a aucune valeur. Mes lois de l'évolution ne fonctionnent que statistiquement."

Et, après avoir caressé un moment sa barbe, il ajoute :

"- Il y aurait une solution : que Jésus mette çà dans son Évangile, et convainque ainsi des millions d'hommes de faire pareil.

- C'est un peu tard, dit sobrement Jésus, sans mauvaise volonté.

- Je vais en parler à Hubert Le Menestrel, dit Dionysos. Il nous mettra çà sur son site Internet."

Conclusion : remettez les scarabées sur leurs pattes, et reposez les près de leurs femelles, après leur avoir donné quelques herbes aphrodisiaques.

aigleWolf

Eugénisme : le surhomme volant

250408 L'oiseau est supérieur à l'homme, en ce qu'il a la capacité de voler.

230906 Dans le cadre d'une évolution de l'espèce, suivant Darwin, il serait intéressant que l'homme évolue, en allongeant les bras, en les musclant, en amenuisant tout le corps, et enfin, en faisant pousser des ailes le long des bras, pour qu'enfin il puisse voler. Cette perspective ne peut évidemment s'ouvrir qu'à l'échelle de plusieurs centaines de milliers d'années. On pourrait organiser des gymnastiques particulières, visant cet objectif. On pourrait aussi donner des incitatifs fiscaux aux personnes ayant des bras plus longs et plus musclés, et des doigts plus palmés.

Une autre perspective, encore plus ambitieuse, tendrait à diminuer l'importance des os, pour se trouver moins sensible aux chocs. On observe en effet l'avantage colossal, du point de vue de la sécurité, qu'ont les invertébrés ; la fourmi peut tomber de plusieurs centaines de fois sa hauteur sans aucun dommage. Mais là cela va peut-être un peu loin, car l'homme devrait alors se remettre à quatre pattes (ou à plus si nécessaire).

On voit ici que les idées d'Hubert Le Menestrel dépassent largement celles d'Alphonse Allais, par leur ampleur et leur hauteur de vue ; par exemple, l'idée de prolonger le boulevard Saint-Michel jusqu'à la mer restait il faut le dire dans un terre-à-terre plutôt insignifiant.

Sélection du plus apte (à procréer)

291007 Si la sélection naturelle élimine les plus faibles, pourquoi y a-t-il sur terre autant de connards ? Réponse : ceux qui sont sélectionnés, ce sont ceux qui font le plus d'enfants, et non pas les plus malins.

Une pieuvre spécialiste de Spinoza

181211 Selon Stephen Jay Gould, l'évolution des espèces se fait par paliers d'équilibres, entrecoupés de périodes d'évolution extrêmement rapide. Ils appellent ça la théorie des équilibres ponctués. Effectivement, il semble logique de penser que ces phénomènes d'évolution ont un caractère exponentiel : une évolution dans un certain sens, observable à l'instant t, rendrait plus probable de nombreuses autres évolutions, qui n'étaient pas possibles ou très improbables avant la première. Ces nouvelles évolutions s'étant produites, elles ouvrent chacune un grand nombre d'évolutions nouvelles, et ainsi de suite. Le processus multiplicatif conduit à des régimes de progression géométrique ou même exponentielle. Jusqu'à saturation des possibles dans le domaine de l'organe considéré, ralentissement des évolutions, et nouveau palier d'équilibre.

Ceci pourrait expliquer la progression fantastique de l'homme, qui s'est distingué du singe en six millions d'années seulement, période pendant laquelle le singe évoluait très peu.

Dans ces conditions, certaines pieuvres pourraient lire Spinoza dans six millions d'années seulement.

En fait de "lire", d'ailleurs, à cette époque une machine pourra implanter directement, immédiatement, tout Spinoza - et des résumés bien utiles - dans les cellules appropriées du cerveau, bien entendu. En plus, comme la pieuvre a neuf cerveaux, elle aura le choix (un central plus un par tentacule).

Les aventures de Ogh-Ogh, créateur de la religion

091011 Bergson, dans Les deux sources de la morale et de la religion, a bien expliqué que la religion est née de par nature, pour que l'homme soit plus à l'aise face à la pensée de la mort irrévocable : "La religion est une réaction défensive de la nature contre la représentation, par l'intelligence, de l'inévitabilité de la mort." Cette théorie est toutefois finaliste, comme le regrette Marc Augé (Le génie du paganisme). Et de fait, dans le texte de Bergson, il personnifie la Nature, et prétend que cette action, celle de créer la religion, avait un but, une finalité. Son raisonnement est à peu près le suivant : la pensée de la mort, déprimante, "doit ralentir chez l'homme le mouvement de la vie […] Elle contrarie l'intention de la nature. […] Mais [la nature] se redresse aussitôt : à l'idée que la mort est inévitable, elle oppose une continuation de la vie après la mort". Cette idée, qui est au fondement des religions, va rassurer l'homme, ainsi moins entravé dans son "mouvement de la vie".

Mais la composante finaliste de cette théorie n'est peut-être qu'une simple question de présentation, et elle devrait pouvoir rentrer dans un contexte darwinien, comme le montre le récit suivant.

oghOgh

Il était une fois, vers le milieu du Moustérien, une petite troupe d'hominidés qui vivaient dans une grotte près de Cro-Magnon. A cette époque, la troupe comprend petit à petit, au fur et à mesure que les cerveaux permettent des pensées plus sophistiquées, que tout animal meurt inévita-blement, et que chaque membre de la troupe mourra un jour. Cette pensée rend la troupe un peu tristoune, elle "ralentit le mouvement de sa vie". Mais par hasard, un membre de la troupe, Ogh-Ogh, un peu plus imaginatif que les autres, voit un jour son pote mourir sous ses yeux, et, juste au moment où il meurt, un rat qui se trouvait par hasard tout près du mourant, bondit et s'enfuit en criant. Ogh-Ogh pense alors que c'est l'esprit du copain qui s'est transféré dans le rat. Le copain est mort, mais c'est son corps qui est inanimé : son esprit est resté vivant, il est dans le rat. Ogh-Ogh va raconter çà à ses copains, et les convainc d'autant plus facilement que cette pensée les rassure par rapport à la mort. Cette histoire se transmet dans la troupe, puis dans les générations qui vont suivre. Et la troupe a meilleur moral. Voulant augmenter un peu son territoire, elle va guerroyer contre la troupe d'à côté, qui, elle, a le moral dans les chaussettes : elle a compris la mort, mais elle n'a pas inventé l'immortalité de l'esprit. Du fait de son mauvais moral, elle se fait battre à plat de couture par la première troupe, remontée à bloc.

Et voilà, la théorie est darwinienne et non plus finaliste. La nature n'est pas personnifiée. Ni la nature, ni Ogh-Ogh n'avaient de but, c'est simplement venu dans sa tête comme un éclair de génie (alors là, oui, ce gars-là était vraiment génial). Le génie, n'a comme chacun sait, aucun but.

La théorie est darwinienne, puisque l'histoire du rat est un pur hasard, qui a fait jaillir une idée dans la tète de Ogh-Ogh. Dans ce qui se passe ensuite, il se peut que Ogh-Ogh, particulièrement malin, se dise : "- Cette histoire de transfert de l'esprit dans le rat est complètement bidon, mais si j'arrive à convaincre les copains, ça pourrait leur remonter le moral". Et Ogh-Ogh devient Grand Prêtre et tout le tralala.

Dans ce scénario complémentaire, on introduit de la finalité dans l'histoire, mais comme elle se situe postérieurement à l'épisode du rat, le fait initial est bien dû au hasard.

A ce point, il y a un catholique acharné, au fond de la salle, qui se lève et qui dit :

'' - Le rat était bien là par hasard, mais c'est Dieu qui a mis dans la tête de Ogh-Ogh la pensée du transfert de l'esprit du mort."

Le conférencier s'effondre à l'instant, terrassé par une crise cardiaque.