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Musique dionysiaque, pulsations / pulsions du rythme, musique techno postmoderne, onomatopées


Dionysos musicien

Musique dionysiaque : au son de l'aulos ...... Ivresse musicale et création artistique ...... Musique techno, dionysiaque, postmoderne ...... Musique pulsationnelle : l'avis de Lyotard ...... Musique dionysiaque : Nietzsche et Daft Punk......

Aulos

Musique dionysiaque : au son de l'aulos

060113 L'instrument favori de Dionysos était l'aulos, hautbois "troublant" (antinomique de la lyre apaisante d'Apollon). Un instrument plutôt compliqué (normal, pour lui), à anche double, et à deux tuyaux, un pour chaque main ; le grave joue la mélodie et l'aigu l'accompagnement (!). On peut entendre un aulos jouer sur http://terpandros.com (page "diavlos") grâce à l'ensemble chypriote d'instruments de la Grèce ancienne. L'extrait est tout-à-fait édifiant, le son très riche, ni flûtiau pastoral ni trompette solennelle, très gai. La complexité du son s'adapte mieux à la personnalité du dieu, complexe elle-même, ainsi qu'à l'objectif de "troubler" au lieu d'apaiser. On n'est pas dans la petite musique bucolique. Note sur l'extrait musical : l'accompagnement est dans un registre plus grave que la mélodie, contrairement à ce qui est dit plus haut, et le tempo est un peu lent pour susciter l'extase.

Ivresse musicale et création artistique

120908 Pour faire un dessin ou une peinture dionysiaque, un conseil : mettre Daft Punk (ou toute autre musique techno boum-boum) à fond la caisse. Les pulsions du rythme, dans lesquelles le corps entier est entraîné - ventre inclus, qui vibre avec les basses, empêchent de penser. C'est bien l'ivresse de la danse des ménades et des satyres, l'ivresse dionysiaque. Le summum pour la création artistique.

Musique techno, dionysiaque, postmoderne

170111 L'Australien Tom Cosm est un virtuose d'Ableton Live, le logiciel de création de musique de synthèse (voir son site, www.cosm.co.nz).

Ce qui est clair dans ce type de musique, c'est que les possibilités de manipulation des sons sont si riches qu'on assiste à une perte d'importance de la mélodie, de la succession de notes, au profit de la succession d'effets. Par exemple dans son tutoriel Ideas for breakdowns and build-ups, la plupart des effets sont créés avec une seule note au départ. Ensuite, les manipulations portent sur la forme de l'onde, l'enveloppe du volume, et toute une panoplie d'effets. La hauteur du son (pitch) n'est qu'un paramètre parmi les autres. La mélodie, c'est ringard…

Ecran Ableton Live
Or, on est ici dans une vision dionysiaque de la musique : l'absence de mélodie donne une importance plus grande au rythme, aux pulsations de la batterie et de la basse. Et ces pulsations sont dionysiaques : elles favorisent la danse, l'oubli de soi, jusqu'à la transe, pourquoi pas ; la suspension de conscience, comme disent les chamans. Et en plus, l'absence de variations mélodiques, ou leur simplification extrême, conduit à des phrases musicales très courtes, et des textes ou des onomatopées éternellement répétées dans le morceau : voir Daft Punk, Around the world, ou n'importe quel autre morceau d'ailleurs. Le sens disparait, les mots ne veulent plus rien dire, et c'est tout l'intellectuel qui disparait, pour laisser place aux sensations, au corps, à la danse, au dionysiaque. Cette analyse de la répétition figure très clairement dans un passage de Lyotard, cité plus loin.

Il ne s'agit pas d'une "pauvreté du texte", critique que pourront faire tous les tenants du classicisme (de la chanson poétique romantique), mais d'un effet voulu, ou en tout cas parfaitement en phase avec la fin du romantisme et le début d'une musique postmoderne.

Musique pulsationnelle : l'avis de Lyotard

130410 Sur le rythme du récit, celui de la comptine enfantine, ou celui de la chanson récente au texte répétitif (techno, donc), Jean-François Lyotard (La condition postmoderne) explique très bien l'effet de la pulsation, prenant son importance par rapport au texte :

Le temps cesse d'être le support de la mise en mémoire et devient un battement immémorial qui, en l'absence de différences remarquables entre les périodes, interdit de les dénombrer et les expédie à l'oubli.

100211 Très bonne analyse du phénomène d'envoûtement par la pulsation. Il faudrait toutefois ajouter une autre analyse d'ordre physiologique : la liaison avec les battements de cœur. Instinctivement, on fait ce parallèle, chaque pulsation de la musique ressemble à un battement de cœur. Surtout si la pulsation, au lieu de n'être marquée que par un coup sur le temps, est complétée par une double croche ou une croche d'un triolet précédent le coup sur le temps : dans ce cas, on entend "clobop, clobop" comme un cœur. La musique nous donne ainsi, profondément, l'impression de vie, fondamentale (au moins pour tous les animaux qui ont du sang qui circule…).

Beethoven

Musique dionysiaque : Nietzsche et Daft Punk

130508 Toutes considérations sur les paroles inintelligibles de la musique dionysiaque étaient bien déjà développées par Nietzsche dans un fragment posthume de 1871 : "L'homme saisi par la fièvre dionysiaque n'a pas d'auditeur auquel il aurait quelque chose à communiquer". Le dionysiaque n'est que création, n'a pas de finalité. Et il prend l'exemple de la partie chantée de la 9ème symphonie de Beethoven : les paroles du poème de Schiller A la joie sont "absolument incongrues à la jubilation dionysiaque de cette musique de rédemption". Beethoven - Schiller : "Alle Menschen werden Brüder". Daft Punk : "Around the world" ! On s'en fout !

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