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la théâtralité inhérente à l'art dionysiaque - les pompiers, artistes sensualistes, 'scopiques'


art dionysiaque : théâtralité et peintres pompiers

Théâtralité : les bases, selon Nietzsche ...... Théâtralité : définition ...... Sergio Leone et Roland Barthes, même combat ...... Le fou du roi ...... Peintres pompiers : le plaisir du scopique ...... Une Vénus excessivement précoce ...... Un pompier "à sens" ...... Bach pompier ?!?!?

Théâtralité : les bases, selon Nietzsche

250908 Premièrement, l'art est dionysiaque, on n'a pas le choix, c'est comme ça qu'il sort. Deuxièmement, comme ce qui est sorti est désordonné et poilu, il faut y coller un peu d'apollinien, de "beau". Malheureusement (point numéro trois), les deux composantes dionysiaque et apollinienne sont tellement en opposition qu'elles ne peuvent être présentées crûment, dans leur essence, sur l'œuvre : on ne peut pas mêler ordre et désordre, confus et clair, poilu et lisse et ainsi de suite. Pour que ça soit présentable, il faut recouvrir le tout d'un voile, celui de la théâtralité. Voilà en gros, en appauvri, la thèse que présentait Nietzsche, tout jeune, dans La vision dionysiaque du monde. Tout cela paraît légèrement romantique, voire fumeux. D'accord sur les trois premiers points, mais l'histoire de la théâtralité comme voile…

231005 Bien plus simplement, la théâtralité, la distance entre l'œuvre et le spectateur - celle qu'assurait le chœur de la tragédie grecque - est nécessaire pour que l'œuvre reste fiction, que le spectateur soit sous le charme de l'illusion, mais non pas trompé. Qu'on lui répète bien que c'est une illusion. D'ailleurs, c'est plus ou moins cette thèse que Nietzsche développe dans le paragraphe 12 de La naissance de la tragédie.

Théâtralité : définition

110113 Théâtralité : introduction, dans la présentation d'une œuvre d'art (littéraire ou plastique), d'artifices stylistiques, d'emphases ou d'exagérations, destinés à souligner le caractère non réel de l'œuvre.

Exemple : un meurtre dans une pièce de théâtre. Sans théâtralité, le meurtre est représenté de façon réaliste. Un acteur tire un coup de pistolet, avec le bruit bien imité en coulisses, la victime mime le blessé, et s'écroule inanimé. Avec théâtralité : le meurtrier tire avec un pistolet en plastique jaune, dit lui-même : "- Pan !" et l'autre répond : "- Argh, salaud tu m'as tué !"

NB : dans le premier cas, ce n'est pas vraiment sans aucune théâtralité, car dans une pièce de théâtre il y a toujours la distance physique entre le parterre et la scène, les rideaux de chaque côté, les projecteurs et ainsi de suite.

Dionysos, dieu du théâtre, est aussi dieu de la théâtralité. Ce pourquoi le dionysiste adore les peintres pompiers, le baroque, et le kitsch.

Blueberry

Sergio Leone et Roland Barthes, même combat

170706 Le principe même du western spaghetti est la théâtralité.

111008 De même du catch. Voir la page absolument magistrale de Roland Barthes dans ses Mythologies : Le monde où l'on catche. Sur la théâtralité, un sommet.

Le fou du roi

120311 Le fou du Roi est la personnification de la théâtralité : il n'existe que par la distance entre art et vérité.

pasha

Peintres pompiers : le plaisir du scopique

230411 On reproche aux peintres Pompiers d'être scopiques - de faire appel (soi-disant bassement) au plaisir des yeux du spectateur. Oui, mais les impressionnistes ! Totalement scopiques, uniquement scopiques et rien d'autre. Les Pompiers sont moins scopiques que les impressionnistes. Surtout certains, ceux qui continuent à chercher à mettre du sens dans leurs tableaux, selon ce qu'explique François Derivery dans Art et voyeurisme des Pompiers aux Postmodernes.

160311 En fait, une justification, ou plutôt une valorisation, de l'art pompier, doit passer par la valorisation de cet art "scopique", celui du magnifique, du sublime tigre de Jean-Léon Gérôme (La Douleur du Pacha) (l'exemple du tigre est pris sciemment, pour qu'il ne s'agisse pas d'érotisme, lequel pose d'autres problèmes). Pourquoi le valoriser ? Parce que c'est ce qui nous plaît à nous les sensualistes, les dionysiaques, et nous n'en avons aucune honte : il ne s'agit pas de voyeurisme, mais d'art-plaisir. Délectons-nous sans arrière-pensée (ni sans pensée du tout).

Vive l'art-plaisir, aux chiottes les urinoirs.

Vénus de Cabanel

Une Vénus excessivement précoce

311210 La Vénus de Cabanel a les yeux révulsés, il n'y a pas de pupille. Il faut s'approcher pour le remarquer. Pourquoi a-t-elle ces yeux ? Ce n'est pas (pas encore) l'extase de Sainte Thérèse, mais presque. Ça accentue de façon très indécente l'attrait érotique : Vénus se pâme, "viens me prendre, je n'en peux plus de désir…" C'est indécent parce qu'elle vient de naître : sacrément précoce, la Vénus !

Godiva

Un pompier "à sens"

160311 Dans Art et voyeurisme des Pompiers aux Postmodernes, François Derivery fait une analyse très intéressante du tableau de Jules Lefebvre, Lady Godiva. Il nous permet d'apprécier toutes les ambiguïtés, tant celles du tableau que celle de l'anecdote légendaire qu'il représente. Pour défendre les peintres pompiers (ou plutôt certains d'entre eux), il choisit ce tableau anti-érotique (Lady Godiva est bien nue, mais pâle et stockfishesque, viagra indispensable), ce qui permet déjà d'éliminer les procès habituels faits aux pompiers pour leur érotisme soi-disant froid. Derivery démontre bien que le tableau de Lefebvre peut résister aux critiques habituelles des anti-pompiers (érotisme non-dit, donc, mais aussi peinture scopique, etc.), en montrant que le peintre a su mettre en scène une légende instructive, chargée de sens. Le sens, principe fondateur de l'académie de peinture au 18ème : une peinture "académique" est une peinture qui a du sens. Et Derivery montre que Lefebvre rajoutait même une couche de sens à la légende, en la présentant dans une mise en scène élaborée, pensée, et finalement tellement complexe qu'elle soulève des montagnes de questions intellectuelles. Par exemple : pourquoi Lefebvre n'a-t-il pas représenté le voyeur, personnage capital de la légende, pas même dans un petit rai de lumière derrière un volet ? Derivery suggère alors que le voyeur, c'est le spectateur du tableau, et on se retrouve dans les analyses de Foucault, Lacan et les autres sur les Ménines de Velázquez. Passionnant, et en effet, donnerait une valeur insoupçonnée à Jules Lefebvre, et peut-être à tous les pompiers "à sens".

Comme toujours, l'iconographe va trop loin : il s'appuie sur le fait que la servante qui tire le cheval a le regard tourné vers le centre perspectif du tableau (capital, dans les Ménines). En vérité, la servante regarde vers sa gauche. Non e vero, ma e ben trovato.

Bach pompier ?!?!?

211210 La toccata en ré mineur est-elle pompier ? Surchargée ? Le gigantesque accord de do dièse diminué qui s'inscrit sur deux basses de ré est sans nul doute une surcharge (il en met un énorme paquet), géniale sans aucun doute non plus ; elle passe, l'accord revient à ré majeur… Le génie à l'état pur.